Les harmoniques de la veillée pascale

« Frères bien-aimés, en cette nuit très sainte où notre Seigneur Jésus Christ est passé de la mort à la vie, l’Eglise invite tous ses enfants disséminés de par le monde à se réunir pour veiller et prier. Nous allons donc commémorer ensemble la Pâque du Seigneur en écoutant sa parole et en célébrant ses sacrements, dans l’espérance d’avoir part à son triomphe sur la mort et de vivre avec lui pour toujours en Dieu. »[1] C’est par cette monition que s’ouvre la veillée pascale, « mère de toutes les saintes veillées »[2] et restaurée en 1951 par un décret du pape Pie XII. Cette célébration, emprunte d’une grande solennité en raison de la richesse des symboles utilisés, comporte quatre parties que nous voudrions ici explorer.

 

1.     L’office de la lumière et l’annonce de la Pâque

 

Au cœur de la nuit, nous célébrons en premier lieu le Christ lumière du monde par la bénédiction du feu nouveau, auquel est allumé le cierge pascal (une préparation du cierge est également prévue mais celle-ci demeure facultative). Ce dernier symbolise le Christ lumière victorieux de la mort et illuminant le monde. Il signifie la présence vivante du Christ dans l’Eglise, lui qui est passé de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière.

 

Après avoir reçu cette lumière, les fidèles entrent en procession derrière ce cierge dans l’église, à l’image du peuple d’Israël qui était guidé dans sa marche au désert par la colonne de nuée le jour et la colonne de feu la nuit (Ex 13, 21-22). Cette procession est ponctuée par trois haltes où sont chantés les Lumen Christi.

 

Quand chacun a rejoint sa place, résonne alors l’annonce solennelle de la Pâque : l’exultet. Cette prière de louange et d’action de grâce, d’une poésie de grande qualité mais aussi d’une théologie dense, exprime la jubilation de la résurrection et intègre tous les motifs centraux du mystère du Christ.

 

2.     La liturgie de la Parole

 

La notion de veillée pascale venant des vigiles appelées aussi office des lectures, ceci explique la place importante que revêt la Parole de Dieu dans cette célébration. Neuf lectures sont ainsi proposées. Par les sept premières empruntées à l’Ancien Testament de la Genèse jusqu’aux prophètes, la liturgie fait revivre aux fidèles l’histoire du peuple hébreu. Chaque lecture est suivie d’un chant, normalement un psaume responsorial, et d’une oraison, agencement correspondant à la structure de base de la liturgie.

 

Entre la dernière lecture de l’ancien Testament et celle du Nouveau Testament est chanté le Gloria. Cette hymne, rappelant la venue du Christ sur terre et marquant la fin de l’Ancienne Alliance, assure au cœur de la liturgie de la Parole une transition parfaite entre les deux Testaments.

 

L’épître paulinienne qui suit accentue surtout le caractère baptismal de la veillée car Paul parle aux Romains du baptême comme participation à la mort et à la résurrection du Christ.

 

L’assemblée laisse ensuite éclater sa joie par le chant de l’alléluia avant que ne soit proclamé l’évangile annonçant la résurrection du Christ, marquant le sommet de la liturgie de la Parole.

 

3.     La liturgie baptismale

 

La liturgie baptismale trouve toute sa place dans cette célébration car la nuit de la résurrection est, par excellence, la nuit de la naissance à la vie nouvelle dans le Christ.

 

Après le chant de la litanie des saints, le prêtre bénit l’eau qui servira aux baptêmes des catéchumènes ainsi qu’à tous ceux du temps pascal. Il procède ensuite, s’il y a lieu, aux baptêmes et confirmations. Cette veillée est la célébration par excellence du baptême, ce dernier étant une plongée dans la mort et la résurrection du Christ.

 

Les fidèles renouvellent ensuite leur profession de foi baptismale dans un dialogue avec le président et avec le cierge allumé. Cette profession de foi sous forme de questions/réponses rappelant l’aspect trinitaire est la forme la plus ancienne. Il nous faut par ailleurs souligner que la réponse de l’assemblée n’est pas comme à l’ordinaire « Je crois » mais « Nous croyons », manifestant que c’est ici l’Eglise qui professe sa foi.

 

Cette troisième étape s’achève par le rite de l’aspersion accompagné du chant Vidi aquam. Ce geste, qui rappelle le baptême, implique à la fois le fait d’être lavé et le fait de recevoir un principe vital, celui de la vie divine.

 

4.     La liturgie eucharistique

 

L’eucharistie étant mémorial de la mort et de la résurrection du Christ, elle revêt tout son sens lors de cette veillée. Les rites demeurent quant à eux inchangés. Seul est préconisé l’apport des offrandes par les néophytes. Sans oublier l’ajout d’un texte propre dans la prière eucharistique et l’insertion de l’alléluia dans le renvoi de l’assemblée.

 

Ce bref parcours sur la veillée pascale permet de mettre en évidence que les fidèles vivent lors de cette célébration un véritable chemin spirituel et sont invités à aller au cœur de la foi. Passant des ténèbres à la lumière, ils se laissent ensuite longuement instruire par la Parole de Dieu puis renouvellent leurs promesses baptismales avant de recevoir le Seigneur en son corps ressuscité. Les nombreux rites et symboles déployés lors de cet office et ajoutés les uns aux autres constituent ainsi comme le tutti liturgique de l’année.

 

P. Stéphane CAILLIAUX

Article paru dans la revue Préludes

 



[1] Missel romain, Paris, Desclée - Mame, 1994, n°8.

[2] S. Augustin, Sermo 219 (PL 38, 2008).